Poème,  Uchronie

L’arroseur arrosé

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Si mon réveil n’avait pas sonné,
S’il avait bien sonné
Mais que je l’avais ignoré,
Si une mauvaise nuit j’avais passée,
Si j’avais été dérangé
Au point de ne pouvoir me lever,
Si la crève de la semaine passée
Avait perduré,
Si j’avais mal digéré
Si j’avais eu une grosse diarrhée,
Si sur la savonnette j’avais glissé,
Si, en déjeunant,  je m’étais brûlé
Avec mon café,
Si cette nuit il avait neigé
Ou venté
Ou grêlé,
Si le portail électrique était resté coincé,
Si ma voiture n’avait pas démarré,
Ou si le moteur avait explosé.
Si la route avait été bloquée
Si on m’avait empêché
De passer
De rouler
D’arriver.

Si mon ordi avait buggé
Si le disque dur avait sauté
Si le réseau avait déconné
Si je n’avais pu travailler
Si je n’avais pas testé,
Testé et retesté
Le  programme que j’ai créé
Si j’avais sauvegardé
Avant de me lancer
Si dès que j’avais tenté
Tout avait fonctionné
Si je n’avais pas été forcé
De modifier une entrée
Je n’aurais pas cliqué,
Je n’aurais pas validé
Je n’aurais pas appuyé
Sur le bouton « Supprimer »

Je n’aurais pas bousillé
Des tonnes de données
Des heures de suées
Des milliers d’octets.
Je n’aurais pas annulé
En un clic assuré
Trois mois de PHP
Je n’aurais pas bombardé
Mon cerveau embrumé
De litres de café
Afin d’atténuer
La douleur déclenchée
Par ma souris pressée
De cliquer, de cliquer
Et encore recliquer.

Et vous qui me lisez
Certainement vous feriez
Autre chose que rester
Sur une chaise prostré
A lire mes pensées
A lire mes mots jetés
Sur l’écran d’un PC.

Ma vie aurait changé,
La vôtre aurait bougé
Si à onze heures passé
Je n’avais pas cliqué
Sur le mot « Supprimer ».

Pour qui aime inventer
Des histoires modifiées
Se faire ainsi piéger
Et ne pouvoir annuler
C’est ce qu’on pourrait appeler
L’arroseur arrosé.

©  JM Bassetti A Ver sur mer le Mardi 25 février 2014. Tous droits réservés.

 

 

© Amor-Fati 25 février 2014 Tous droits réservés. Contact : amor-fati@amor-fati.fr

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