Atelier d'écriture,  Löderup

Mourir pour si peu.

Décidément, j’aime bien ce principe. Une photo, des mots. Inventez une histoire à partir d’une photo.
Voici ma nouvelle participation à l’Atelier d’écriture proposé par Leiloona Bricabook. 

 

bateau

1

Trelleborg. Sept heures trente ce mercredi matin. Une nouvelle journée sans soleil allait commencer. Après celle d’hier. Et certainement avant celle de demain. Le soleil était encore caché. Peu de chance d’ailleurs pour qu’il se montre aujourd’hui. Ou alors si timidement. La mer était calme, sans une ride. Les bateaux oscillaient doucement au rythme des risées qui ridaient à peine la surface de l’eau. Le ferry du matin était déjà parti, celui de midi pas encore arrivé. Les pêcheurs déjà en mer et les touristes, rares à cette période de l’année, dormaient encore. C’était le moment de calme de la journée.

Le Sud de la Suède est typique de ce genre de lumière. Il faut être né ici pour aimer cette ambiance, mélange de froid polaire et de chaleur des cœurs.

Comme à chaque fois qu’il débutait une nouvelle affaire, le commissaire Löderup avait besoin de prendre ce qu’il appelait la température des lieux. Voir tout avant de se lancer dans la folle course de l’enquête qui l’attendait. Regarder, écouter, sentir, ressentir, imaginer. C’était son habitude dessinée au fur et à mesure des années de travail.

Debout au bord du quai, le policier tirait longuement sur sa Lucky Strike. La première de la journée. Depuis son infarctus il y a deux ans, il avait mis la pédale douce sur la clope, mais n’avait jamais réussi à arrêter complètement. Pourtant, Annika, sa fille aînée lui faisait la guerre et n’hésitait pas à lui faire des remarques à chaque fois qu’elle le voyait fumer. Alors, il avait adapté ses habitudes aux réprimandes de sa fille. Il se cachait. Mais fumait toujours.

Comme le port paraissait calme en regardant la mer ! Etonnant paradoxe. Parce que derrière lui, l’activité était intense. Les gyrophares zébraient le matin naissant de leur lumière bleue, deux ambulances venaient juste de s’arrêter sur le parking du port et la criminelle de Stockhölm,prévenue Dieu sait comment, faisait à l’instant une arrivée tout en klaxon et en sirènes.

Tout ce que Löderup détestait.

A six heures, il avait reçu un MMS. Anonymes évidemment. Certainement envoyé depuis un téléphone jetable pour ne pas laisser de traces. La police scientifique vérifierait ça mais il ne se faisait pas d’illusion. « Surprise dans Launch Sermö Trelleborg. Un corps ? Non. Deux…. Les balances paient toujours. Un jour ou l’autre. Bonne pêche…» Etaient attachées deux photos certainement prises avec le même téléphone. La qualité était mauvaise, mais sur l’une on voyait bien le bateau amarré tranquillement au mouillage dans le port, son annexe attendant sagement derrière lui. Image reposante et douce. Sur l’autre par contre, les deux corps allongés sur la banquette bleue ne laissaient aucun doute. Un homme et une femme. Nus. Du moins ce qu’on en voyait. Et morts. Une longue trainée de sang coulait de chacune des deux têtes. Au centre, une immense tache rouge mélangeait les deux liquides e une mare visqueuse.

La demi-bouteille de whisky et les trois verres de vin de la veille au soir étaient loin maintenant. Un MMS comme ça, ça vous calme une gueule de bois en un rien de temps. Pas le temps de trainasser ou de s’appesantir sur son sort. Il lui avait suffi d’une petite heure pour arriver de Malmö. Café compris.

Löderup ne ratait rien du paysage. Ce bateau, il le connaissait déjà par cœur à force de le regarder. Il savait ce qu’il allait y trouver. Il savait aussi qu’il allait passer la matinée dessus à l’explorer dans les moindres recoins. A chercher des cheveux, des indices, des poils, des taches sur la chaise, sur la banquette ou sur le tapis. Malgré toutes leurs précautions, les assassins laissent toujours des signatures. Et lui, Erik Löderup, il les découvrait toujours.

Une lourde main se posa sur son épaule. Le policier prit le temps d’écraser sa cigarette sous son pied et se retourna. Bjorn Bjärnum, son adjoint, cigarillo au bec, exhala une épaisse fumée blanche.

« On va pouvoir y aller, Commissaire, tout est prêt.

– Le légiste est arrivé ? s’enquit Erik Löderup.

– Ils sont en route. Ils seront là dans dix minutes, juste le temps pour vous de faire les premières constatations.

– Faites venir du monde pour fouiller le bassin à la recherche d’un téléphone portable. Allons-y. Il y a du monde qui nous attend sur le bateau. Pas bruyants mais bien présents.

-Je m’en occupe.

– Parfait. Bjärnum ?

– Oui commissaire ?

– Vous auriez une cigarette ? J’ai oublié d’en acheter ce matin. Pas vraiment eu le temps.

– Cigarillo ? Je n’ai que ça, répondit le policier.

– Bon, allons-y alors, reprit Löderup. Ca me donnera l’occasion de ne pas fumer pendant au moins deux heures.

Löderup regarda sa montre. Sept heures quarante-cinq. Il posa le pied sur la barque, attendit deux secondes que son équilibre se rétablisse et avança de deux pas.

Au loin, les mouettes partaient déjà vers le large à la rencontre des premiers chalutiers du matin.

Ceci est le premier chapitre du roman « Mourir pour si peu », une nouvelle enquête du Commissaire Löderup. Roman policier qui ne sortira jamais, vous l’avez bien compris. Je ne sais pas qui a tué ce couple, je ne sais pas qui ils sont et je n’écrirai pas la suite, que les choses soient bien claires !!! C’est un exercice d’un atelier littéraire, c’est tout ! Merci d’y avoir cru, si vous y avez cru ! JMB

© JM Bassetti. 28 janvier 2015. Reproduction interdite sans l’accord de l’auteur.

© Amor-Fati 28 janvier 2015 Tous droits réservés. Contact : amor-fati@amor-fati.fr

16 Comments

Répondre à Leiloona Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.