Profiter de l’instant

C’était un mercredi, au début du mois de mai. Le midi, nous avions mangé du crabe des glaces avec une mayonnaise que je m’étais fait un plaisir de confectionner pour les amis qui me recevaient chez eux.

Le Saint-Laurent se réveillait après plusieurs mois de glace et de neige.

Dans le parc du Bic, là où débute la Gaspésie, il ne faisait pas une chaleur à se mettre en maillot de bain, mais l’air était doux et bien agréable.

Ma promenade m’avait conduit vers un sous-bois où trônait une maison inhabitée, au bord du fleuve, de la mer comme on dit là-bas.

Sur la terrasse de bois, il y avait un banc. Un banc en bois lui aussi.

Il me tendait les bras.

Nous étions mercredi. Je savais pertinemment que deux jours plus tard je retrouverais Montréal et ses embouteillages, que samedi je serais dans l’avion et que le lundi suivant, je serais à l’école devant mes élèves, bien loin de la Gaspésie, de Rimouski et des baleines.

La lumière était douce, aucun bruit ne venait me perturber. Je suis resté sur ce banc pendant presque deux heures, à ne rien faire, à profiter de l’instant, à regarder les oiseaux dans les arbres, à essayer de distinguer l’autre côté du fleuve, à guetter le soir qui tombait.

C’est étrange comme sensation, mais ce matin, quand je suis tombé sur cette photo en suivant un lien sur Facebook, c’est immédiatement ce moment qui m’est revenu en mémoire.

Ce moment de quiétude, d’abandon total et de lâcher-prise complet.

Il y a maintenant dix-sept ans que je suis revenu de ce périple au Québec et malgré tous les endroits où je suis passé depuis, je ne me souviens pas avoir ressenti pareille sérénité.

Merci à Nadia Th de m’avoir autorisé à utiliser sa photo.