Au fil des jours

La rentrée du Petit Nicolas le 22 Juin 2020

A la manière du Petit Nicolas, de Gosciny et Sempé, je me suis amusé à écrire le retour de Nicolas à l’école le 22 juin après le confinement.
Tous ses copains sont là évidemment !!!
J’espère que ça vous plaira.

A la manière de, évidemment !!! Ceci dit, si les ayant-droits du Petit Nicolas n’apprécient pas, qu’ils me le fassent savoir, je retirerai immédiatement !


Ce matin, maman est venue me réveiller. Ça m’a fait tout drôle parce que ça fait un bon moment que je dors jusqu’à dix heures tous les matins.

Papa aussi d’ailleurs. Ça va faire deux mois qu’il ne va plus au bureau. Son patron lui a demandé de travailler depuis la maison parce que le virus est toujours actif et qu’il faut faire très attention.

Alors papa se lève tous les matins à sept heures, il met son ordinateur en route sur la table de la cuisine et il retourne se coucher jusqu’à neuf heures passées. Il y a même une fois ou deux où c’est moi qui ai été obligé de le réveiller parce que maman était partie faire les courses et que je voulais mon chocolat chaud. Sauf que le micro-ondes est beaucoup trop haut et que je me suis déjà brûlé en renversant mon bol par terre.

Après dix heures, papa prend son téléphone et il passe des tas de coups de fil à plein de gens en regardant son Facebook ou des zappings sur Youtube. Même que des fois, il dit Oui oui, mais je suis sûr qu’il ne sait même pas ce qu’on lui a dit.

Il reste à la maison parce que maman ne veut pas qu’il sorte faire les courses. Elle dit qu’il ferait n’importe quoi dans les magasins, qu’il mettrait ses mains n’importe où et qu’il ramènerait des tas de microbes à la maison. Au début, il a râlé un peu et puis maintenant, je vois bien que ça l’arrange plutôt. En échange, il passe l’aspirateur une fois par semaine, ce qu’il ne fait jamais d’habitude. Mais maman le repasse derrière lui parce qu’elle dit que ce n’est pas bien fait et qu’il reste sûrement des microbes dans tous les coins.

Les microbes, elle n’aime pas ça, maman.


Donc ce matin, je me suis levé et je me suis lavé les mains. Puis, je suis allé prendre ma douche et faisant attention de bien me frotter partout. Et puis je suis allé dans la cuisine pour mon petit déjeuner. Maman a poussé l’ordinateur de papa en faisant attention de ne toucher à rien, puis elle s’est lavée les mains et m’a demandé de me les laver aussi, au cas où des virus me seraient sautés dessus. Elle a lavé deux fois mon bol propre et j’ai pu boire mon chocolat tranquillement. Après, je me suis lavé les mains et j’ai mis mon blouson pour partir à l’école.

Pendant que je faisais les lacets de mes chaussures, maman est allée dans la salle de bains et m’a rapporté mon masque en tissu qu’elle avait lavé hier soir avec de la lessive désinfectante. Dans mon cartable, elle m’a mis deux masques de rechange, un en tissu et un jetable, dans des petits sacs en plastique pour que les microbes de mon cartable ne leur sautent pas dessus. Et puis elle a aussi mis deux bouteilles de gel : une pour me laver les mains et une au cas où je perdrais la première.

Puis maman a mis son masque, j’ai mis le mien et on est partis à l’école à pied. C’est rigolo de voir tous ces gens dont on ne voit que la moitié de la figure.

En chemin, on a croisé Madame Benedetti, la concierge du 205. C’est une grosse dame avec des poils sur le nez et sur les oreilles. Quand j’étais tout petit, elle me faisait peur parce qu’elle parle très fort en faisant plein de gestes dans tous les sens. Maman lui a parlé en reculant parce que Madame Michel avait son masque qui protégeait juste son menton et elle postillonnait partout en faisant des grands moulins avec ses bras. Moi, sous mon masque je lui ai tiré la langue. C’est des trucs rigolos comme ça qu’on peut faire quand on a un masque. Après, le tissu était un peu mouillé, mais était vraiment pas grave. Et comme ça, entre la maison et l’école, j’ai tiré à la mangue à toutes les grandes personnes que j’ai croisées. Et j’ai envoyé des bisous à Caroline qui marchait sur le trottoir d’en face. Si ça se trouve, elle faisait pareil sous son masque rose !


En arrivant devant la porte de l’école, j’ai vu Alceste qui attendait, appuyé à un réverbère. Il mangeait un sandwich au saucisson à l’ail, comme tous les matins. Avant le confinement, il avait le temps d’en engloutir deux avant d’entrer en classe, mais là, il est obligé de soulever son masque à chaque bouchée, je ne sais pas s’il aura le temps de manger le deuxième.

Et puis la porte s’est ouverte et on a vu le directeur apparaître. Ça nous a fait tout drôle parce que d’habitude, on voit toujours son air sévère, mais là, avec le masque on ne savait pas trop s’il rigolait ou pas. Mais on avait bien une petite idée, parce que d’habitude, c’est pas un rigolo le directeur. Il n’y a pas de raison pour que le confinement l’ait changé.

Il a voulu commencer à parler aux papas et aux mamans, mais Rufus s’est mis à siffler avec le sifflet à roulette que son papa policier lui avait donné pour la rentrée pour éloigner ceux qui ont le COVID. Caché sous le masque on a d’abord eu du mal à savoir que c’était lui, mais quand il est passé entre les jambes du directeur, tout le monde l’a repéré.

« Mesdames et Messieurs, essayait de dire le directeur…, mais il n’a pas pu finir sa phrase car tous les enfants se sont engouffrés par la porte pour arriver vite dans la cour. Tout le monde suivait Rufus qui continuait à siffler sous son masque.

« Les mesures barrière, les mesures barrière, criait la maitresse descendue aider le directeur. Un mètre entre chaque enfant ! S’il vous p…

Mais Clotaire est passé près d’elle et lui a demandé où étaient les barrières et pourquoi il fallait les mesurer. Clotaire n’est pas sûr mais il nous a dit que sous son masque, la maîtresse avait bougonné « ça commence bien ! » La suite de la journée lui donnera raison.

Maman m’a lâché la main, elle m’a fait un bisou et je suis rentré aussi dans l’école, suivi par Alceste qui avait fini son sandwich. Il est venu à côté de moi et on est arrivé ensemble dans la cour.

Il m’a dit « Chui content de revenir à l’école après chi longtemps »

Je l’ai regardé.  Son masque était plein de beurre. Mais l’avantage c’était que son haleine sentait moins le saucisson à l’ail.

Je lui ai fait un grand sourire, mais avec le masque, je crois qu’il ne l’a pas vu.


Quand je suis arrivé dans la cour de l’école, je me suis arrêté un moment pour regarder. Avec toutes ces têtes masquées en bleu, en vert ou de toutes les couleurs, je n’arrivais pas à retrouver mes copains.

J’ai vite repéré un groupe qui jouait aux billes et j’ai tout de suite reconnu Joachim. Non pas à sa tête, mais à son cri quand il a démoli les calots en verre de deux grands. Il faut dire que Joachim est toujours très fort aux billes. Il parait qu’il a passé le confinement à s’entraîner dans sa chambre et dans le couloir, même que sa sœur a failli se casser le bras en roulant sur une bille oubliée devant la porte de sa chambre.

En marchant vers la classe pour déposer mon cartable, j’ai vu Geoffroy qui était appuyé contre le mur. Il remettait son masque en place. Je me suis approché de lui et on s’est tapé les coudes. C’est rigolo cette nouvelle façon de se dire bonjour. Geoffroy avait un masque aux couleurs du PSG, avec le nom de Neymar écrit dessus. C’est son papa qui lui a acheté parce qu’il est très riche et qu’il achète toujours tout ce que lui réclame son fils.

« J’en ai aussi un du Real Madrid et un de l’équipe de France avec la tête de Deschamps sur le nez.

— Ca doit te faire une sacrée tête avec ça lui a dit Eudes qui arrivait juste aussi pour poser son cartable.

Il s’est approché de Geoffroy et lui a donné un grand coup de coude dans le bras. Geoffroy a arrêté de refixer son masque et a donné un coup de coude dans le ventre à Eudes.  Mais Eudes qui est très fort ne voulait pas se laisser faire. Alors, ils se sont donnés des tas de coups de coude partout et ils se sont roulés par terre.

— Pas de bagarre, c’est interdit ! a crié le surveillant en arrivant en courant devant mes deux copains qui se battaient.

— Oui, un mètre de distance a répondu quelqu’un que je n’ai pas reconnu sur le coup.

— On ne va pas se battre à un mètre de distance a dit Eudes en donnant un dernier coup de coude à Geoffroy, ça n’a pas de sens.

— Et il vaut mieux ne pas se battre du tout, a dit Le Bouillon, le surveillant en attrapant Eudes par le coude. Allez vous laver les mais et revenez vite, je vais sonner la cloche.

Eudes et Geoffroy sont repartis vers les toilettes.

Je suis resté avec celui qui avait parlé et que je n’avais pas reconnu aussitôt. C’était Agnan. Complètement méconnaissable. Il avait deux masques chirurgicaux l’un sur l’autre, un vert et un bleu et une casquette ADIDAS qui lui arrivait au niveau des sourcils. Entre les deux, il avait ses lunettes qui avaient coloré avec la lumière. En fait, on ne lui voyait pas un centimètre de peau. On aurait dit un serpent à lunettes avec un masque de bandit.

On s’est tapé les coudes et le Bouillon a sonné la cloche.

Et là, on a vu la maîtresse qui a ouvert la porte de la classe. On est tous resté la bouche ouverte d’étonnement, mais ça ne se voyait pas parce qu’on avait nos masques !

© Amor-Fati 24 juillet 2020 Tous droits réservés. Contact : amor-fati@amor-fati.fr

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