Atelier d'écriture,  Frissons,  Poème

Insomnie

On est lundi. Et vous le savez, le lundi est consacré à la photo du site Bricabook.

Cette semaine, deux contraintes: la photo et un thème obligatoire: le harcèlement de rue.

L’Université de Toulon organise cette semaine une manifestation autour de la question du sexisme et du harcèlement de rue. Les textes de l’atelier feront l’objet d’une exposition durant toute la semaine. Et, pour illustrer le débat (qui clôturera une semaine d’évènements culturels) les textes seront lus sur scène par des étudiants de l’atelier théâtre.

rue

Quand je suis passée près de toi
Je ne demandais rien,
Je ne voulais rien.
Je voulais juste
Rentrer chez moi
J’étais crevée,
Fatiguée, usée.

Quand je vous ai vus
J’ai joué l’aveugle
J’ai regardé droit devant moi
Fixé un point qu’existait pas
Je sentais vos regards
Insistants et vulgaires,
Et malgré mon manteau
Je me sentais nue,
Je me sentais nulle.

Quand tu t’es approché
Je me suis refermée
T’as demandé où j’allais
Si j’avais pas peur toute seule
Tu m’as dit que j’étais belle
Que j’avais de beaux yeux
Et un beau bonnet blanc
Que ton copain était timide
Qu’il était amoureux de moi
Mais qu’il n’osait pas
Il rigolait. Toi tu parlais.

Quand tu t’es aperçu
Que je ne répondais pas
Que je ne ralentissais pas
Tu as parlé plus fort.
Tu m’as dit que j’étais moche
Que j’avais un gros cul
Que j’étais rien qu’une salope
Avec mes sales collants
Et mon vieux bonnet blanc
Que je faisais exprès
D’allumer les mecs du quartier

Quand ta main m’a touchée
J’ai retiré mon bras
J’aurais voulu crier
J’aurais voulu courir
J’ai cru que j’allais vomir
J’ai cru que j’allais mourir
J’aurais voulu m’enfuir
Mais j’étais paralysée
Tétanisée.
C’est ça la peur
La terreur
Toi tu sais pas…

Pourquoi tu m’as dit ça ?
Pourquoi tu m’as fait ça ?
Dans la nuit je t’entends
Dans la nuit je te sens
Ton regard m’a salie
Tes mots m’ont humiliée.
Si ça se trouve en ce moment
Vous recommencez
Les mêmes gestes
Le même crime
Avec une autre nana
Avec une autre victime,
C’est tellement facile
Tellement bas.

Et pendant ce temps là
Moi qui ne demandais rien
Moi qui ne voulais rien,
Je suis seule dans mes draps
L’heure tourne
Et je ne dors pas.

© Amor-Fati 15 février 2016 Tous droits réservés. Contact : amor-fati@amor-fati.fr

13 Comments

  • Gwenn

    J’en ai eu l’amère expérience plusieurs fois…. Le pire, c’était en été en débardeur, un commercial (en costume cravate) avec ses collègues, pointe son doigt vers moi et gueule dans la rue « ces 2 là, je les lecherai bien »…. J’étais tellement sr le c… que j’ai rien dit.
    Le mec, je le recroise quelque mois après (av toujours ses collègues), je le vois commencer à me refixer et commencer à l’ouvrir et là je lui balance un gros  » TA GUEULE ».
    Le mec s’est fait charrié par ses potes après. Au moins j’étais tranquille.
    Ou sifflements comme si on était des chiens (enfin chiennes pr eux).
    Ou « hé vous êtes charmante » et si on répond pas « vas y t’es moche en fait » et comme on répond tjrs pas « on fait l’amour quand on veut »….. Mec a capuches, à emmerdes…. Habillée en pantalon et manteau couvrant….
    Pour eux ,ça s’assimile à de la drague. Non, c’est prendre les femmes pour de vulgaires  » VAGIN ».

  • Benedicte D.

    J’aime beaucoup….Il y a de la feminité en toi, celle que les hommes qui n’ont pas peur assument tranquillement en écrivant des textes comme celui-ci….

  • Framboise

    Très beau texte qui dit aussi « l’intérieur » des femmes, blessées, meurtries et souvent impuissantes face à ce harcèlement banal et quotidien …
    Merci infiniment ….

Répondre à JMB Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.