Les ballons rouges
Il est des images qui ne vous quittent pas. La semaine dernière, dès que j’ai vu le vieux monsieur coincé entre les deux marronniers, je me suis dit « C’est Batman ». Immédiatement. Je ne sais pas pourquoi. Et l’idée ne m’a pas quitté jusqu’à ce que je la mette en mots.
Mardi, lorsque Leiloona m’a envoyé la photo de cette semaine, je me suis dit
« Je n’ai pas eu de ballon rouge
Quand j’étais gosse dans mon quartier.
Dans ces provinces où rien ne bouge,
Tous mes ballons étaient crevés. »
J’ai essayé d’écrire autre chose, mais Lama ne m’a pas quitté. L’image était trop forte. Alors mon clin d’oeil de cette semaine, il est pour Serge Lama qui a bercé mon enfance, qui a enchanté ma soeur, que je chante toujours par coeur dans la douche le matin. Qui était si proche de Barbara que j’aime tant.
Lundi, c’est l’atelier de Bricabooks. Les autres textes sont sur cette page.
Bonne lecture.
Le chanteur boîte dans le couloir.
Il vient de boire un verre d’eau pétillante, de respirer longuement. Plusieurs fois face au miroir. Comme chaque soir. Quelle que soit la ville. Ce sont des rituels. Faire les mêmes gestes dans la loge, toujours les mêmes.
Avancer jusqu’à la porte. La toucher trois fois. Revenir s’asseoir face au miroir. Vérifier le maquillage. Les projecteurs ne font pas de cadeau.
Reprendre le conducteur de la soirée. Vérifier l’ordre des chansons. Ne pas penser au trou de mémoire d’hier, c’est le meilleur moyen de ne pas le faire revenir.
Faire le nœud de cravate avec application. Le défaire. Le refaire. Le regarder avec insistance. Le défaire. Le refaire. Trois fois. Chaque soir. C’est un TOC. C’est de la pensée magique. S’il ne fait le nœud que deux fois, ça va mal se passer.
Le chanteur regarde le public à travers le lourd rideau de scène.
Les musiciens entament « Les ballons rouges ».
C’est l’heure. Il faut y aller.
Il écarte les bras et entre dans la lumière.
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4 Comments
jacou
Belle description pour une entrée en scène réussie et « Les ballons rouges »
Jackie Satterlee
Very good insights into the singer’s state of mind and rituals. Et le Ballon Rouge a toujours été un de mes films favoris, qui me rappelle mon enfance à Paris dans les années 1950.
Anne-Véronique
C’est un très joli texte et un bel hommage. J’aime beaucoup l’angle que tu as choisi pour illustrer cette photo. Merci 🙂
Amor-Fati
Merci de vos gentils commentaires !